Si j’avais été un chroniqueur radio, il eusse été possible que je m’époumonasse (si si, on a parfaitement le droit d’utiliser ce type d’entrée grammaticale quand on rentre un brin éméché d’une soirée hype et que l’on se doit de publier un compte rendu important, ndl) en observant transi l’arrivée de la longue distance de l’édition 2012 de la Battle of the paddle. Tout avait pourtant gentiment commencé. Défilé de 14′, la classe reine pour les hommes sur ce parcours plat de 9 miles. Quelques unlimited pour entretenir le mythe des planches hors norme que l’on ne voit qu’outre atlantique. Les journalistes malins et de terrain allaient comme il se doit de stand en stand pour observer la préparation des coureurs en vue. Danny Ching, vainqueur la veille en beach race, prenait son temps en apposant ses autocollants sur sa 25 1/2 de large. Plus soucieux était Jamie Mitchell : l’australien se massait une côte douloureuse et étirait une cheville gonflée. Pas à la fête, il semblait fuir les photographes trop intrusifs sans son espace vital et restait à l’abri sous la tente d’un de ses sponsors. Côté français, Eric Terrien arrivait une bonne heure avant le départ après une nuit un peu agitée. On le comprend, un battle pour le moins cauchemardesque laisse toujours des traces. Greg Closier se désolait de sa planche, une 28′ de large de l’année dernière sur laquelle il lui serait difficile de tenir la cadence face aux planches fines du moment. Chez Fanatic Chase Kosterlitz waxait sa 14′ construction creuse : “on ne sait jamais, dès fois que je chope un bump”. Lentement, après avoir écouté solennellement l’hymne national, les coureurs, hommes et femmes ont donc rejoint la ligne de départ, Jamie semblait avoir du mal à tenir sur sa planche étroite. Dans une épreuve parfaitement organisée, une grosse machine demandant de nombreux bénévoles et compétences, le départ restera le maillon faible de cette belle réussite sportive. Celui de la longue distance 2012 n’a pas dérogé à la règle. Mais enfin, alors que sur la beach race, ce dernier conditionne à 80 % le résultat final, sur la longue distance, il est plus relatif. Dès le coup de pistolet du start, après que les beach marshalls eussent aligner les coureurs, deux lignes de draft se sont organisées. Dans l’inside, Danny Ching et Jamie Mitchell ont emmené un premier groupe de leaders alors qu’au large, des gars comme Slater Trout, Eric Terrien ou Kai Lenny ont organisé une autre ligne. Ces deux trajectoires ont enfin convergé en un triangle isocèle (pour rappel un triangle isocèle est un triangle ayant au moins deux côtés de même longueur, si si), Pythagore ne nous aurait pas démenti ! Mais comme sin x + cos x font toujours 1, Dany Ching a vite pris les devants. Le bougre californien, fort de sa puissance, de son geste parfait de son aura et de son intelligence de course, savait bien que son compère Bob Rojas allait imprimer un rythme fort à cette course. Un lièvre parfait de ceux qui donnent des ailes. Danny avec panache a donc calqué sa course sur la sienne, sachant pertinemment que derrière, les différents trains de drafters allaient se neutraliser. Car si le draft est stratégique, il annihile aussi et paradoxalement les velléité des plus entreprenants. Simple logique, imparable théorème de mathématique. Car si vous produisez un violent effort pour opérer une cassure, le risque est double : vous emmener des poursuivants dans votre sillage et vous entamez vos réserves pour leur compte, ces derniers restant opportunistes à l’abri derrière vous. Au final, comme dans une course cycliste, les suiveurs sans bénéfice commun, ne génèrent pas assez de vitesse pour revenir sur la tête de la course. A trop vouloir drafter, ils laissent passer le bon train, celui de la victoire. Avec le développement de ces grandes courses et de teams structurés, il ne serait pas étonnant que des stratégies de team s’instaurent à l’avenir, mais nous n’en sommes pas encore là. Un gars a su tenir la cadence de Danny Ching. Longtemps, les commentateurs ont eu du mal à l’identifier jusqu’à temps qu’il ne vire sur sa planche blanche et rouge et avec une vingtaine de mètres d’avance, la bouée juste devant la plage. Partout ailleurs sur un plan d’eau plat, ce gars, ce rameur de panache, ce mousquetaire de la pale, cette fine lame royale aurait sans conteste passer la ligne en second derrière le king Ching. Mais à Dana Point, au lieu de la Battle, il faut encore compter sur les conditions. Ce mousquetaire, c’est bien évidemment Eric Terrien. Et le clan français sur la plage s’est mis à espérer en le voyant arriver dans son style si caractéristique. Mais une petite vague s’est levée au large. Et ce finish idyllique a viré au cauchemar, à la déroute à Waterloo ! « Je devais faire attention à ne pas faire de faute à la fin de cette course, alors que j’avais encore des forces, raconte Eric Terrien, très ému quelques minutes après la fin de la course. Ma planche custom est rapide mais très instable, j’ai du la tenir pendant tout l parcours surtout dans le backwash. Elle fait 25′ et n’est pas assez creusée au niveau des pieds. J’aurais pu gagner un peu de stabilité en abaissant son centre de gravité. Quand j’ai viré second à la dernière bouée juste devant la plage, je savais que rien n’était fait car j’ai vu un set rentrer et mes poursuivants directs allaient revenir. J’avais mes chances, nous étions tous à égalité quelques secondes avant la ligne. Sur la vague, j’attendais le bon moment pour pagayer et me lancer. En le faisant trop vite, je descendais trop dedans et je risquais de perdre ma vitesse. » Alors que Kodie Kerbox, Jamie Mitchell, Kai Lenny, Eric Terrien et Slater Trout sont sur la même vague, la clameur du public est montée. Les quelques secondes qui allaient suivre seraient cruciales, déterminantes après une heure et demi de course. Pour nous français, le temps s’est arrêté. Eric Terrien s’est retrouvé pris en sandwich par Lai Lenny à sa droite et Slater Trout (sa bête noire, ndl) à sa gauche. Les deux Américains, plus véloces et roublards à la course, ne se sont pas privés. Kai déboule en second suivi de quelques dixièmes par Slater. Énorme déception pour Eric Terrien mais c’est aussi dans ces moments difficiles que l’on acquiert une profitable expérience. En 2013, le meilleur européen sera revanchard et nous le parions, ne se laissera pas compter fleurette de la sorte à l’arrivée.
Les autres faits de la course :
Annabel Anderson remporte aussi la longue distance avec une confortable avance sur ses rivales Candice Appleby et Jennifer Kalmbach. Qui et surtout comment arrêter la Néo Zélandaise de Starboard, une question que beaucoup se posent.
Gaétan Séné, non comptant de s’aligner sur une 12’6 gonflable de 26 de large, a remis cela sur la longue distance en 14′. Le français conserve sur cette épreuve son rang de second français derrière Eric Terrien avec une place en Elite de 18ème, ce qui est vraiment une très belle performance. Son objectif était avant la course de Dana Point de prouver le potentiel des planches gonflables. Si sa 14′ n’a pas une top vitesse comparable à celle d’une planche rigide, elle a cependant un énorme potentiel dans le draft et un confort permettant de suivre les meilleurs. Gaétan prouve qu’avec un bon sens tactique et un excellent niveau de rame, un compétiteur peut s’aligner sur une épreuve internationale et réaliser une grosse performance, un pari qui en faisait sourire beaucoup avant le début de la compétition.
Vous ne trouverez pas Connor Baxter dans les premières places de cette longue distance. Connor qui a animé la course avec Kai Lenny pendant un long moment a du lever le pied à cause d’une forte douleur au dos. Connor a avant cette épreuve suivi de nombreux soins, massages ou acuponcture, pour soulager son dos. Il a aussi enchaîné les soucis de santé avec de nombreuses infections qui ont diminué ses forces en cette fin de saison.
Slater Trout est bien le spécialiste des finishs sur le sable. Que ce soit sur la battle ou sur la longue distance, il doit ses deux bonnes places à des courses de sprinters. Comme quoi en stand up, il faut être un athlète complet.
Dans le relai, ultime épreuve conviviale de cette édition 2012 de la Battle of the paddle, le team Naish s’impose devant l’équipe Starboard et le team Naish bis.
Nous avons recueilli les impressions de Danny Ching, toujours très disponible, sympathique et plein d’humour après sa victoire sur la longue distance :
Get Up : C’était difficile de prendre la course à son compte et de ne pas récupérer comme dans un petit groupe où tout le monde se drafte ?
Danny Ching : Non, c’est aussi difficile que le premier de ces petits groupe (rires).
Get Up : Mais les gars prennent des relais alors c’est plus reposant ?
Danny Ching : Sérieux (Danny feint l’étonnement, ndl). Alors là c’est carrément pas fairplay. Non sérieusement, c’était très dur, j’ai quelques mais qui m’ont suivi en pirogues ou en bateau et qui m’ont encouragé pendant les moments critiques de la course. Ils me disaient d’accélérer.
Get Up : tu t’attendais à un tel écart avec tes poursuivant directs ?
Danny Ching : Non pas du tout, j’avais Rob Rojas et son unlimited en ligne de mire et je me calais sur son rythme. J’ai cherché dans mes limites pour essayer de le passer, Je savais qu’en maintenant cette cadence pour rester au contact de Rob, mes poursuivants ne pouvaient que se mettre dans le rouge pour revenir sur moi. Après la bouée de mi parcours, j’avais déjà fait une partie du trou.
Get Up : Que penses-tu de cette classe élite en 14′ ? Tu ne regrettes pas ton unlimited ?
Danny Ching : Les fabricants ne vendent pas assez d’unlimited, le marché n’est pas encore à ces dimensions de planches. J’espère qu’un jour il le sera, mais en attendant, avoir une belle vitrine élite en 14′ est positif pour le marché. Mais je ne pose pas de question, la classe élite peut être en 12’6, 14′ ou unlimited, je serai prêt.
L’intégralité des classements sont disponibles ici.