Le rider français Gaétan Séné a pu se rendre au Japon pour découvrir le pays du soleil levant et participer à une épreuve du circuit APP. Récit.
« Le hasard n’existe pas », est le titre d’un livre de Karl Otto Schmit qui m’a beaucoup inspiré, il y a quelques années. Après cette lecture que je vous recommande, j’espérais, un jour, pouvoir me rendre au Japon pour admirer le cerisier en fleur, m’imprégner de cette culture pacifique et zen. J’aspirais aussi à arpenter les chemins d’une bambouseraie, une autre de mes passions. Pour une première mission de travail comme responsable de contrôle antidopage (Gaétan Séné est infirmier et réalise en tant que tel des contrôles longitudinaux et inopinés de sportifs de haut niveau), je ne pouvais pas rêver mieux, d’autant plus qu’en prolongeant de quelques jours, j’allais pouvoir renouer avec une course internationale de Stand Up Paddle. La deuxième étape de l’APP World Tour, qui s’arrêtait au Japon, dans une ville balnéaire, Enoshima, au sud de Tokyo.
Première étape, la mégalopole de Tokyo : l’immersion dans le métro est assez brutale et déstabilisante par l’incompréhension de la signalétique, la foule et la difficulté à trouver quelqu’un qui parle anglais… Heureusement, la patience et la gentillesse des Japonais permettent de trouver plus ou moins rapidement son chemin. Je ne suis pas au bout de mes difficultés mais je trouve toujours une solution. À la recherche d’une connexion wifi, je fais une halte au McDo au milieu d’un nombre impressionnant de clients faisant la sieste tout comme dans le métro d’ailleurs, un spot parfait pour digérer le jet-lag (Gaétan Séné est un sprinter de la sieste, il est capable de s’endormir en tout lieu et en un clin d’œil pour un petit break réparateur, N.D.L.R.).
La ville la plus peuplée au monde attend avec impatience les prochains Jeux Olympiques de 2020 et nul doute qu’ils seront à leur image, propres, très sécurisés, courtois, calmes avec ce climat paisible qui règne dans tous les quartiers arpentés. Il y a un décalage important entre des quartiers avec d’énormes buildings hi-tech aux enseignes lumineuses et de jolis parcs citadins aux allures zen et paisibles. Je recherchais, d’ailleurs, fréquemment ces lieux, pour quitter quelques minutes, l’environnement très peuplé de certains quartiers avec leurs métros bondés de costards cravates. Après presque une semaine à arpenter la ville ou la banlieue de Tokyo, je commençais à m’impatienter de faire un peu de Stand up paddle. CJ ou Shigeki, le commercial Starboard Japon, m’organise une petite sortie avec le SUP Club de Yokohama dans la deuxième ville la plus peuplée, après Tokyo.
Tout comme dans le métro avec les files d’attente, ou dans les rues aux passages piétons, les règles sont scrupuleusement respectées et je n’échappe pas à quelques consignes de navigation avant notre départ pour cette petite balade. C’est un parcours urbain qui m’attend, non sans rappeler le Paris SUP crossing, qui d’ailleurs devient vite un sujet d’échange, qui attire aussi les SUPeurs Japonais.
Le départ est très joli, avec de nombreuses petites manches à air multicolores en forme de poisson carpe, qui célèbrent une fête nationale le Kodomo no hi (jour des enfants). Ensuite direction le port, mais avant, le quartier du Minato Mirai 21 qui héberge un centre d’activité, de loisirs et de shopping impressionnant par la proximité des gratte-ciel de presque 300 mètres. La foule, qui transite entre les parcs d’attractions et le port, est très nombreuse au début de cette période de vacance, et ne manque pas de nous photographier mais aussi de nous saluer à de nombreuses reprises.
Arrivé sur le port, qui est l’un des plus importants de l’archipel, nous nous arrêtons rapidement prendre la pose, devant un paquebot de croisière tout aussi gigantesque, avant de prendre le chemin du retour. Le club de Yokohama est comme beaucoup d’habitations, ici au Japon, très petit mais suffisant pour ranger quelques planches rigides et de nombreux gonflables ainsi qu’une petite pièce pour se changer. Un très bon accueil à la japonaise, simple courtois et respectueux.
Pour la suite de mon périple, je souhaitais naviguer sur l’un des lacs qui se situe au pied du mont Fudji. Cette montagne est d’une beauté exceptionnelle de par sa forme de cône volcanique presque parfait avec le sommet presque toujours enneigé. Entre la complexité pour trouver une voiture de location et le temps de trajet en transport en commun vers Fujiyoshida, je me suis contenté d’une très belle randonnée en forêt, au départ de la célèbre pagode qui illustre beaucoup de guides touristiques.
Si vous souhaitez louer un pédalo en forme de cygne, c’est extrêmement simple par contre pour le SUP, sans voiture, il sera difficile en une journée de rejoindre un autre lac à une vingtaine de kilomètres. Vous pouvez choisir de passer la nuit sur place, il y a de nombreux hôtels ou bien les Capsules backpackers pour les petits budgets, une expérience certainement inédite.
L’objectif de la fin de mon séjour est bien évidemment de m’entraîner afin de préparer l’APP World Tour du week-end. Ma planche m’attend dans la ville balnéaire d’Enoshima. Cette zone côtière, très touristique, dénote un peu de l’image » city affair de Tokyo » avec ses très nombreux autochtones bronzés, planche de surf sous le bras, qui se baladent torse nu.
Je retrouve quelques internationaux ainsi que les Français Arthur Arutkin et Martin Vitry pour quelques entraînements. Le plan d’eau est bien exposé au vent avec de très petites vagues. Au milieu des windsurfeurs, j’alterne des phases upwind et Downwind ou le tour de l’île d’Enoshima avec un plan d’eau agité sur la côte exposée. C’était une bonne préparation au vu de ce qui nous attendait le week-end !
Je profite également, d’un peu de temps libre, pour visiter la région. C’est très souvent une marée humaine à certains endroits, des embouteillages à l’entrée des temples, ou dans le train bondé qui relie la ville de Kamakura, ancienne capitale du Japon.
Pour ma dernière journée de repos avant la course, je décide de me lever tôt pour éviter la cohue et faire une petite balade Zen au temple de Kotoku-in, avec son grand bouddha assis en bronze, mais aussi dans une bambouseraie majestueuse et ressourçant. L’APP World Tour, organisé par Tristan Boxford, a encore pris de l’ampleur par rapport aux dernières world séries auxquelles j’ai participées, il y a quelques années. Petite cérémonie d’ouverture avec défilé d’une dizaine de nations, musique et danseurs hawaïens sur une petite scène le tout entouré des tentes riders et sponsors de l’épreuve.
La course longue distance (10 km) du premier jour, qui se veut médiatique, est un triangle avec de nombreux virages à répéter cinq fois. Pour les femmes, le vent n’est pas encore très fort, mais pour nous, il prendra progressivement de l’ampleur pour atteindre un bon 30 nœuds quasiment de travers. C’était donc la course la plus éprouvante et difficile jamais réalisée, avec à peine 7 kilomètres heures de moyenne. Difficile pour moi de concevoir, qu’avec autant de moyens et de price money, on n’en arrive à ce genre de compétition ! Le lendemain, sur la beach race en Starboatrd Sprint, je prends heureusement du plaisir à m’entraîner et participer. Les jeunes, qui ont pour la plupart la moitié de mon âge, me déposent au départ, je passe deux tours de qualification, satisfait, je n’espérais pas m’illustrer davantage.
Assez enthousiaste à l’idée de participer à cette course, je reste sur mon point de vue des années précédentes, un gros business lucratif pour les premiers mais qui manque, à mon sens, de réactivité pour proposer une course intéressante pour l’ensemble des riders. Bravo, tout de même, à nos deux jeunes représentants français qui se sont bien battus et se classent, dans le top dix, sur ce plateau très relevé. Un très beau pays, avec surtout un peuple d’une gentillesse rarement égalée dans mes voyages précédents. Malgré tout, méfiez-vous des balades en forêt, une petite couleuvre est venue perturber ma sieste quotidienne, et un rapace d’Enoshima est venu prendre furtivement son repas directement dans ma main. Je n’ai pas vraiment eu le temps de comprendre ce qu’il m’arrivait, mais face à la douleur, j’ai d’abord compté s’il ne me manquait pas un doigt.
Texte et photos par Gaétan Séné. Photos SUP : Junichi Matsuda.